
Ces soirées étaient un tel événement, dans nos petites vies. On avait quelque part entre huit et douze ans, ces années où on commence à jouer aux grands sans cesser une seconde d’être des enfants.
C’était seulement pendant les vacances d’été, bien sûr. Jamais l’année scolaire n’offrait une telle liberté de négociation : la deuxième partie de soirée, c’était NON.
Mais la magie de l’été nous enveloppait de sa bienveillance subtilement laxiste, bien que rythmée par les horribles cahiers de vacances. Nous payions notre écu d’assiduité pour acheter des journées de plage, de vélo sur les chemins caillouteux des côtes Bretonnes, et surtout, surtout, les soirées.
La belle télé, celle en couleur, était dans le salon. Mamie choisissait le programme, parfois Papy aussi, moins souvent les parents, qui se laissaient porter au gré des divertissements ou séries qui les intéressait peu le reste de l’année. Pendant que Jean-Pierre Foucauld ou Julie Lescaut péroraient ou patrouillaient dans le salon, de grandes choses se préparaient de l’autre côté du mur.
Nous, frémissants à l’idée d’une soirée sans surveillance, étions postés autour de la table de la cuisine, sur les chaises en paille, bercés (et parfois gênés) par le ronron et les gargouillements du vieux lave-vaisselle dont le programme s’étirait sur la soirée entière, devant la télé en noir et blanc, qui ne captait pas très très bien M6 quand il pleuvait, mais bon, quand même, on l’avait rien que pour nous.
Alors on s’abreuvait de Fort Boyard, Intervilles et autres bêtises d’enfants, en attendant l’heure où nous pourrions tenter, si personne ne venait nous rappeler à l’ordre, de nous plonger dans les programmes de la nuit.
De la Trilogie du Samedi aux Contes de la Crypte, la pop et l’horreur nous sautaient au visage.
Quel délice de confronter l’innocence de l’enfance aux images sombres mais jubilatoires de séries d’horreur pulp, quel régal d’être terrifiés et d’en rire.
Merci à ces années de découvertes, de rigolades, de partages, aux abords d’une adolescence fragile comme un pissenlit sous la brise d’été.
Merci, Mamie, pour la télé en noir et blanc.